dimanche 14 décembre 2008

Lucho Ramirez, acteur et metteur-en-scène, Cuzco


Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour, je suis Lucho Ramirez, je suis péruvien, acteur, metteur-en-scène et professeur de théâtre. Je travaille dans le théâtre depuis 1971, j'ai suivi une formation actorale à Lima, et c'est là-bas que mon expérience théâtrale a commencé.

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
Je crois que je suis entré par la mauvaise porte car j'ai commencé par faire de la télé ... quand je suis rentré à l'école, je me suis rendu compte que c'était du théâtre, que je voulais faire, la discipline qui me plaisait.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre pièce Los Tambores ?
Los Tambores est un conte que j'ai connu dans les années '80, et cela parlait de "commencer une nouvelle vie", et j'étais justement dans ce cas à ce moment-là. Je laissais le groupe dans lequel je m'étais formé, Cuatro Tablas, au sein duquel j'ai travaillé pendant 8 ans. Ces années ont été très riches, on a beaucoup voyagé, beaucoup tourné, on a organisé des rencontres internationales ... et puis au bout de 8 ans, je me suis retiré de la compagnie sans savoir ce que j'allais faire, et je suis tombé sur ce conte. Je me suis dit que je voulais raconter cette histoire.

Il s'agit d'un conte populaire ?
Non, c'est un conte allemand, illustré, c'est d'ailleurs ce qui m'a plu. J'ai eu envie de le raconter. Jusqu'à ce que je sois vieux. Ça c'était en 1980. Donc j'ai commencé à apprendre le texte. A ce moment-là, j'étais encore avec le groupe Cuatro Tablas, qui faisait beaucoup de théâtre physique, de mouvement. Je faisais de l'acrobatie, et beaucoup d'autres techniques physiques. C'est comme ça que j'ai commencé à travailler le conte, en m'entraînant. Chacun des membres du groupe organisait son propre entraînement. De manière indépendante, en partageant l'espace.
Mais vous l'avez travaillé tout seul ?
Au début, oui, seul. Mais avant los Tambores, j'ai monté un autre spectacle.

Du théâtre physique également ?
Oui. Le spectacle parlait de choses personnelles, de voyages, de changements, j'y décrivais la ville où je vivais. Et deux ans plus tard, je travaillais sur Los Tambores, avec un Français, qui aimait faire des percussions. On a commencé, lui aux percussions, et moi qui racontais. Puis il est parti et j'ai continué avec des musiciens, 4 musiciens. Mais il ne s'agissait pas vraiment de raconter le conte, c'était d'avantage abstrait. Un spectacle d'exploration. Ensuite, je suis parti en France, j'y ai rencontré mon ami, et on a monté le spectacle en français, à Paris. J'avais reçu une bourse pour faire un stage à l'Ecole Nationale du Cirque. Avant cela, je jouais Los Tambores dans des maisons privées. Chaque représentation était différente, ce n'était jamais la même chose, on explorait ... Ensuite, on a monté une autre version, italienne, en Italie. Je crois que ce qui est beau dans ce spectacle, c'est vraiment le conte, et comment on le raconte. A partir de 1995, j'ai décidé de monter Los Tambores avec une actrice. De là est partie l'idée du chœur. En 1999, on l'a travaillé à 3 en chœur. Avant cela, il y avait des musiciens, un décors ... Et quand j'ai commencé à travaillé avec le chœur, à 3, je me suis dit :" Non, pour Los Tambores, il ne doit rien y avoir en plus, seulement le corps et la voix de l'acteur. Et le tambour a été remplacé par les claquettes.
Ensuite, j'ai voulu monter le spectacle avec 12 comédiens. 3 acteurs de chaque côté, en cercle. Mais comme c'était très difficile d'organiser l'emploi du temps avec tout le monde, on a seulement réussi à faire une version pour 8 acteurs, en cercle toujours. Bon, il y a seulement eu 2 représentations, parce qu'une des actrices avait un kyste à l'ovaire et ne pouvait pas faire de l'exercice sous peine de ne pas avoir d'enfants. Ensuite quelqu'un d'autre a eu des soucis de voix, il lui fallait du repos. Bref, on s'est finalement retrouvé à 5. Mais il y a eu des versions de 3, de 4 ... mais la plus jouée, c'est la version à 2. L'an dernier, ici, à Cuzco, on a joué 5 fois, mais le spectacle était incomplet. Car il s'agissait d'une version pour la rue, et on est obligé de faire des coupes, c'est trop difficile de raconter toute l'histoire. Comme la 2ème partie est moins dynamique, il faut que le public soit plus attentif, c'est difficile.

Quelle version vous plaît le plus ? C'est différent à chaque fois ?
Oui, c'est différent à chaque fois. Euh ... la version à 2 me plaît beaucoup. Celle à 3 également a très bien fonctionné. Parce qu'elle exige plus de chacun. Celle de 8 est beaucoup plus confortable, mais aussi plus forte pour le public et les comédiens. Mais celle à 2 t'oblige à "remplir" davantage, et plus que de raconter simplement le conte, on doit se confronter à l'idée d'un voyage laborieux qui se termine à la limite de nos capacités physiques. Ce serait l'idéal si on pouvait jouer sans atteindre cette limite. Donc toute la pièce s'organise en fonction de ce moment.

Ça fait tellement de temps que vous jouez cette pièce ...

Oui, depuis 2000. En 2002, on a monté la version à 8, en 2003 celle à 4, à 5. Et ici, à Cuzco, je la fait avec Miguel, acteur cuzquénien.

Qui a écrit le texte ?

Reiner Zimnik, c'est un auteur allemand d'origine polonaise, qui écrit des contes, les illustre, mais aussi des histoires pour les jeunes et pour la TV allemande. Enfin, cette info date des années 80, je ne sais pas où il en est, mais je sais qu'il est encore vivant car j'ai cherché à me mettre en contact avec lui. Mais en vain.

Et il a écrit ce conte pour la scène ?

Non. C'est un conte pour enfants. Moi j'ai réorganisé certains passages, fait un petit montage. La première partie c'est 99% du conte authentique. Pour la seconde partie qui est très longue, quand ils partent en voyage, j'ai été obligé de faire des coupes. Et le voyage nous le transposons par le biais de chorégraphies, pas par les mots.

Pensez-vous que l'artiste de théâtre ait une responsabilité, un devoir ?

Un engagement avec son art, oui, certainement. Avec lui-même, avec ses convictions profondes, avec sa manière d'appréhender la réalité qui l'entoure, et dans sa façon de la mettre-en-scène. Pour Los Tambores, par exemple, on a toujours cherché à aller plus loin, à aller vers le plus inconfortable, le plus difficile. Dès que ça devenait trop facile, "Non, partons dans cette direction alors ..." Pour le chœur, par exemple, il a fallut s'adapter au groupe, c'est un travail exigent, au niveau physique mais aussi vocal. Cela demande une concentration assez forte. Parfois cela peut paraître rétro, mais on est sans cesses en train de renouveler.

Est-ce que vous pensez que le théâtre doit systématiquement dénoncer quelque chose, ou est-ce que cela peut être juste divertissant ?

Ni l'un ni l'autre. Je crois que cela répond à des moments dans la vie de l'artiste, et au contexte. Une pièce peut changer en fonction du contexte. Cela dépend aussi de quand et où on veut la raconter. Elle peut paraître subversive à un moment, réactionnaire à un autre. Cela dépend de beaucoup de choses.

Que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?

Ce que les gens ont envie que le théâtre leur apporte ! (rires) Il y a certaines pièces qui ne sont pas exceptionnelles, mais que j'ai vu à un moment particulier et qui m'ont apporté quelque chose. Tout dépend de la relation que l'on a avec ce qui se raconte, du moment, du contexte. Avec Los Tambores, par exemple, je ne sais pas combien de temps le public reste avec le souvenir de ce qu'ils ont vu, s'il le garde jusqu'à chez lui, un jour de plus, ou quoi ... mais peut-être qu'ils s'en souviennent, un certain temps. Ou que cela reste dans leur subconscient, quelque part ...