mardi 16 juin 2009

Lucho Mueckay, Centro Cultural Sarao, Guayaquil

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter brièvement.
Bien, je suis Lucho Mueckay de Guayaquil en Équateur, je suis le directeur artistique du Centre Culturel Sarao et de la compagnie du même nom. C'est une compagnie de danse et de théâtre contemporain.

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
Moi ? Uh ! Depuis que je suis tout petit j'ai décidé de faire du théâtre ! Je l'ai découvert et redécouvert, à l'école, au collège, à l'université, au Mexique, au Costa Rica, dans tous les lieux où j'ai été. Au Mexique, j'ai aussi découvert la danse contemporaine et à partir de là, j'ai mélangé la danse contemporaine et la théâtralité jusqu'à en arriver là.

Pouvez-nous nous raconter la genèse du groupe Sarao ?
Après avoir étudié la danse contemporaine au Mexique, j'ai connu Jorge qui essayait aussi de faire ici un travail sur la danse contemporaine très important. Je l'avais vu dans des reportages. Et avec d'autres danseurs et danseuses on a commencé à faire quelque chose qu'il n'y avait pas ici, à Guayaquil. Le groupe Sarao est le précurseur de la danse contemporaine à Guayaquil, depuis vingt ans maintenant, et avec le centre culturel, on organise deux des festivals les plus importants de Guayaquil : le festival Fragmentos de junio et le Festival Internacional de Artes escénicas.
Cela fait vingt ans qu'on crée, ça a été une grande lutte, on a essayé beaucoup de styles, de formats, du théâtre-danse, de l'humour.

Comment travaillez-vous au sein du groupe ?
Tous les jours. On a un entraînement tous les jours, pour la danse. Ensuite il y a aussi des répétitions de théâtre du mouvement : voix, théâtre, jeu de l'acteur, ... Et les répétitions : chaque mise-en-scène, chaque spectacle se transforme d'une manière ou d'une autre en espèce de laboratoire. C'est la possibilité que te donne le fait d'avoir un espace, ça te permet d'expérimenter. C'est ça le quotidien. La majorité des intégrants ont commencé quand ils avaient 7-8 ans, ce sont désormais nos compagnons et les actuels professeurs. C'est toute une vie ! (rires)

Les gens vont-ils beaucoup au théâtre ici, à Guayaquil ?
Ils vont plus au théâtre qu'à un spectacle de danse contemporaine. Mais on a insisté, et maintenant qu'on a cet espace pour la danse contemporaine, on s'est créé un public, et vient voir des codes, des symboles, des signes, ils cherchent à redécouvrir les tentatives de la danse. C'est ce qui nous permet de nous maintenir malgré le fait que ce soit une ville qui soutient plus le théâtre et l'humour. Et on a influencé quelques groupes qui incluent de la danse contemporaine dans leurs spectacles de danse folklorique ou de flamenco. Il y a eu une époque où il y a eu un grand mouvement de danse contemporaine, notamment avec des gens qui avaient étudié ici, et qui ont formé d'autres groupes.

Pensez-vous que l'artiste ait une responsabilité ?
Oui, bien sûr. Cette responsabilité veut qu'on ne l'impose pas comme un élément didactique, on a une loi. On a la responsabilité d'aider au développement du public. On a eu la possibilité d'avoir des professionnels de la danse, du théâtre, et on a la responsabilité de maintenir cet espace parce que c'est un lieu alternatif de la ville. Guayaquil est une ville très spéciale, pas vrai ? Où il y a peu de public pour la danse ou le théâtre contemporain. Mais c'est notre lutte, c'est notre résistance.

Que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
D'abord, ça leur donne d'autres options pour rêver, pour penser que le monde pourrait être compris autrement, qu'il pourrait être vécu autrement. La danse et le théâtre nous mènent à des lieux réels aussi, qui ne sont en aucun cas des mensonges, ce sont d'autres types de vérité. Lorsqu'on a une pièce qui contient beaucoup de satyre sociale par exemple, les gens y incorporent leur voix, d'une manière ou d'une autre. Ce n'est pas une seule voix qui débite la satyre et la critique sociale. On peut partager avec le public, c'est une des merveilles du théâtre, de la danse, on peut ne former qu'un seul corps avec les gens pour nous redécouvrir, pour nous réinventer, pour dire : "ce que j'ai été, je ne le suis plus aujourd'hui, et je ne le serai pas demain". Ça nous permet d'être dans un processus, on n'a donc pas le droit de tomber dans l'ennui, dans la quotidienneté et le consumérisme qui sont propres à cette ville. Pendant vingt ans on a fait ce qu'aucune politique culturelle n'a fait, quand n'existait pas le Ministère de la Culture. Maintenant que ce Ministère existe, il est possible de parler.

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