mardi 9 septembre 2008

Claudia Rosales et Maha Vial, compagnie "La Gran Bufanda", Valdivia

Pouvez-vous vous présenter et nous raconter comment vous avez eu envie de faire du théâtre ?
Claudia Rosales : Mon nom est Claudia Rosales, je suis née ici, à Valdivia. J'ai toujours vécu près d'une "École de la culture". En sortant de l'école on allait donc toujours là-bas l'après-midi pour étudier le théâtre, la musique, il y avait tous les arts et c'était gratuit. C'était un lieu extraordinaire parce qu'il y avait des enfants de partout, de l'école publique, privée ou subventionnée, on se réunissait tous là-bas.
Je suis issue d'une famille nombreuse et avant il y avait beaucoup de vie familiale, de réunions de famille, etc... Tout était beaucoup plus collectif quand on était petites et avec ma soeur, on s'occupait de la partie artistique de ces évènements bien sûr. On présentait des sketchs, on imitait les séries TV... J'étais un peu le clown de la famille ! Mes parents m'ont alors inscrite à une école de théâtre, c'est à partir de là que tout a commencé, que je me suis dit que j'allais consacrer ma vie au théâtre.
Maha Vial : En réalité, je n'ai pas eu une relation aussi fluide avec le théâtre, parce que ça me résistait , j'avais pas mal de problèmes avec tout ce qui a trait au langage quand j'étais petite. Alors j'écrivais beaucoup, j'écrivais trop. La chose qui m'est naturelle, qui est en moi, c'est l'écriture. Le théâtre m'a toujours résisté, aussi parce que j'étais assez timide, que ça me coûtait de devoir enlever le masque pour en mettre un autre.
Mais ça a commencé comme ça : j'ai été invitée à lire un récital, et quelque chose s'est libéré pendant que je lisais ce texte que j'avais écrit. A ce moment, ils cherchaient une actrice dans la troupe de Valdivia et ils m'ont proposé. Et a ce moment-là, oui, je me suis dit que je ne pouvais pas mourir sans faire ça. Mais ça a été très très traumatique.

Pouvez-vous nous parler du théâtre à Valdivia ? Quels types de théâtre peut-on y trouver ?
Claudia : Dans les années '80, il y avait une grande activité théâtrale, beaucoup de diversité, de troupes, une grande effervescence.
Maha :Figure-toi que c'est curieux, parce que c'était à l'époque de la dictature, il y avait ce phénomène de répression qui a, paradoxalement, permis la floraison de plusieurs groupes différents, avec des propositions nouvelles. Des troupes allaient dans les maisons, chez les gens pour faire du théâtre. Ils arrivaient dans ta maison pour raconter quelque chose, jouer une petite œuvre et après tu prenais le thé avec eux !
Il y avait aussi une autre troupe, de théâtre plus frivole, plus "light", et celle du Théâtre Municipal.
Après, on a formé une troupe avec des artistes qui sont maintenant aux USA, de théâtre d'expérimentation et de recherche. On était un peu lasses de travailler avec des textes établis, on voulait trouver notre langage propre, nos propres codes. On était en rébellion contre le système.
Et puis il y avait aussi pas mal de festivals de théâtre organisés par le groupe des "Amis du théâtre". Grâce à eux, on a pu voir du très bon théâtre.

Quel type de théâtre voulez-vous défendre ?
Claudia : Je suis tres liée a la problématique sociale. Le théâtre, finalement, est un outil fondamental pour changer la société.
J'ai toujours suivi cette dynamique.
En 2005, nous avons créé la compagnie La Gran Bufanda. Les premiers travaux ont portés sur les sujets de la folie, du suicide et de la torture. Ce furent des expériences très fortes et très significatives.

Comment travaillez-vous au sein de la compagnie ?
Claudia : On fait beaucoup de travail d'investigation. Par exemple, pour le thème de la torture, on était avec une prisonnière politique du temps de la dictature, quelqu'un qui a beaucoup souffert de la torture.
Pour la folie, on a travaillé deux mois avec des schizophrènes à l'hôpital psychiatrique.
En ce moment, on joue une pièce qui mélange l'histoire patrimoniale et des personnages représentatifs de Valdivia. La pièce se joue dans des demeures et les acteurs parcourent les espaces, les pièces, le public suit.
Maha : C'est compliqué de faire du théâtre, de trouver des lieux surtout. Au début, les premières représentations sont gratuites, mais après, tout le monde a déjà vu la pièce. C'est donc impossible de générer des bénéfices.

Que pensez-vous de votre travail avec les enfants ?
Maha : C'est une expérience traumatisante ! (rires) Je me disais : est-ce que je vais être capable de toucher ces enfants ? Il faut faire attention à tellement de choses quand tu t'occupes d'enfants. Mais c'est très intéressant. Ces enfants ont souvent des carences en matière de culture, ils n'ont pas de moyen de s'exprimer.
Claudia : C'est très gratifiant. J'ai toujours travaillé avec des enfants. En fait, j'ai eu la chance de voir beaucoup de théâtre dans ma jeunesse, alors je me sens un peu redevable et je veux transmettre ça aux enfants.

Selon vous, existe-t-il un devoir de l'acteur ?
Maha : Pour soi-même, du fait d'être acteur, de se diviser, je crois qu'il y a un devoir sur tous les plans. En-dehors du contexte théâtral. Tout artiste a plus qu'un devoir, c'est quelque chose qui est naturel. Tu ne peux pas le nier, tu ne peux pas fermer la fenêtre sur la réalité.

Le théâtre doit-il nécessairement être engage, ou peut-il être un pur divertissement ?
Claudia : Je crois qu'il doit y avoir de tout. La richesse réside justement dans la diversité.

Pour finir, que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Claudia : Je pense que le théâtre est l'un des arts le plus complet, car il est lié à tout : au rythme, à l'écriture,... Je pense que ça permet de se connaître soi-même, et en ce sens, il offre beaucoup de possibilités.

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