samedi 27 septembre 2008

Rubén Fernandez, comédien, San Carlos de Bariloche

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter et nous raconter comment vous avez eu envie de faire du théâtre ?
Ouh, c'est long ! (rires) Bon avant tout, je me présente : Rubén Fernandez, ça fait plus ou moins vingt ans que je fais du théâtre, depuis le moment où j'ai commencé à étudier, ensuite j'ai joué, enseigné et fait de la mise-en-scène. Mes débuts sont en relation avec le jeu enfantin, ce désir d'être autre, d'être un pirate ou Superman. A partir de ce désir, j'ai participé aux activités scolaires, avec beaucoup de timidité, mais j'avais envie de le faire. J'ai mis beaucoup de temps à vaincre ces peurs. La situation du pays n'a pas beaucoup aidé. J'ai vécu mon adolescence pendant l'époque de la dictature et il n'y avait pas beaucoup, en réalité il y avait très peu même de liberté d'expression. On ne pouvait pas faire ce que l'on avait envie de faire. Tout ce qui avait trait à l'art était "persécuté" et il n'y avait pas de lieux pour développer notre art, surtout en ce qui concerne le jeu de l'acteur. Donc ça a mis du temps. C'est vers 22 ans que j'ai décidé que je voulais réellement jouer. La dictature était tout juste terminée et j'ai commencé à étudier. Après, je suis venu à Bariloche, à 1600km du centre de tout dans ce pays, et j'ai commencé à développer quelque chose, à donner des cours, à mettre-en-scène, à créer des troupes, et voilà, maintenant, je donne des cours et je joue de temps en temps.

Pouvez-vous nous parler du théâtre à Bariloche ?
Ici, le théâtre n'est pas précisément quelque chose qui attire les foules. Ce phénomène est amplifié par le fait qu'il n'y ait qu'un seul théâtre pour une ville de 140'000 habitants... Il y a parfois des lieux alternatifs qui émergent mais ils disparaissent aussitôt, parce qu'ils n'ont pas les moyens de se maintenir, car tout se convertit en quelque chose qui doit être "commercialement rentable". Par exemple ici-même (Biblioteca Sarmiento, seul théâtre de Bariloche, ndlr) il y a eu une tentative pour être rentable. Malheureusement, pour beaucoup de gens, tout passe par le côté financier. Comme nous nous ne nous dédions pas à cela, on ne sait pas trop comment s'y prendre. Le théâtre tombe là-dedans, non ? De quelle manière on peut survivre ? Donc parfois, ce qui manque, c'est l'expérimentation, chercher des choses nouvelles, trouver un langage nouveau. Il y a quelques essais, mais ils sont rares et durent peu de temps.
Mais il y a plusieurs types de théâtre. Généralement c'est plutôt de la comédie ou de l'humour parce que ça attire les spectateurs. Parfois, on veut mettre-en-scène une oeuvre d'un auteur universel, il faut alors voir de quelle manière on pourra payer les droits d'auteur. Et pour payer les droits, il faut calculer combien on peut espérer gagner pour que ça en vaille la peine. Il faut donc faire des choix, dont on n'est pas toujours content.
D'autres font de la création collective.

Quel type de théâtre défendez-vous ?
Je ne sais pas. Je n'ai pas un type. Ça me plairait de transiter entre tous les types de théâtre. Par contre, le théâtre commercial ne m'attire pas beaucoup, celui dont l'unique intérêt est de faire venir des gens dans les salles. Ce qui me plairait, c'est de réussir à tout conjuguer : que les gens viennent au théâtre avec quelque chose de bien, de qualité. Par exemple, l'humour peut nous faire réfléchir : à ce que nous sommes, à comment nous agissons. C'est le théâtre qui me plaît : le théâtre réflexif.
C'est la même chose quand je donne des cours, je ne me réfère pas à une seule technique, à une seule école. Mais je vois, j'essaie, je teste.
J'aime voir les progrès, voir grandir les gens.

Quelles sont vos méthodes de répétitions, comment travaillez-vous ?
Ça dépend des groupes. Ça peut être à partir de mouvements, d'improvisations ou de jeux. Il n'y a pas une forme, une méthode. Je fais aussi en fonction du type de personnes avec lesquelles je suis en train de travailler. Et après je vois ce dont j'ai besoin sur le moment, par rapport au texte.

Selon vous, existe-t-il un devoir de l'artiste de théâtre ?
Je ne sais pas. Je crois qu'on a tous un devoir envers son prochain, un devoir social. Pour moi, l'acteur a un devoir envers les autres tout comme les autres ont un devoir envers tous.
Il me semble que pendant des années, et encore aujourd'hui, il y a ce truc individualiste. Mais il me semble qu'une chose qui s'est perdue, et qui n'aurait pas dû se perdre, c'est cette attitude : "je suis avec des autres et je dois...", la convivialité. L'homme de théâtre doit répondre de cela, comme tout un chacun, comme le médecin, le vendeur, etc.

Le théâtre doit-il nécessairement être engagé ou peut-il être du divertissement pur ?
Ça me plaît toujours quand l'engagement a à voir avec cette recherche d'attirer les gens dans les salles. Le théâtre "engagé" finit par repousser les gens et par se regarder le nombril. C'est aussi bien que les gens rient, passent un bon moment.
Des fois, le mot "engagé" peut-être interprété comme quelque chose de pamphlétaire.
Moi qui travaille avec des ados, je le vois : parfois ils se rapprochent du théâtre en voulant qu'il soit engagé, ils s'ennuient et s'en vont chercher autre chose. Ce qu'ils voient ne leur plaît pas, ils trouvent que ce n'est engagé avec rien du tout et ils s'en vont, et on les perd en tant que spectateurs. Il faut donc bien se mettre d'accord sur cette notion de "l'engagement".

Pour finir, que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Moi j'aime quand les gens sortent et continuent à penser à ce qu'ils viennent de voir. C'est un défi.
En tant que spectateur, j'aime parler de ce que je viens de voir, ne pas dire : "C'est fini, on va prendre un café et parler de foot". Qu'on puisse se dire : regarde comment nous sommes, les Argentins, qu'on puisse en rire.
J'ai vu un spectacle humoristique qui reflétait ce que nous, les Argentins, nous sommes, avec cette histoire de football, de café, la relation aux femmes aussi (rires). Les gens riaient beaucoup, mais quand ils sortaient, ils en parlaient et se disaient : "Regarde! Je suis comme ça!

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