samedi 2 mai 2009

Teatro la Máscara, Cali

Tout d'abord pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour la caméra ?
Suzana Uribe : Je suis Suzana Uribe, je suis directrice et fondatrice du Teatro La Máscara, cela fait déjà plusieurs années que le groupe existe.
Lucy Bolaños : Je suis Lucy Bolaños, co-fondatrice du Teatro La Máscara en 1972, je suis restée ici ... tout la vie, en faisant du théâtre, et j'ai été aussi gestionnaire culturelle, actrice, metteur en scène, je me suis entièrement formée entre ces murs, une formation intégrale tout en continuant de travailler.
Pilar Restrepo : Je suis Pilar Restrepo, je suis entrée à La Máscara en 1979, j'ai étudié la littérature, j'ai d'abord travaillé comme actrice et maintenant comme dramaturge.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de La M
áscara ?
Lucy : La Máscara naît avec le Nouveau théâtre colombien, dans les années '70, et à travers la Corporacion Colombiana de Teatro, qui avait beaucoup de poids à ce moment-là (5 régionales à travers tout le pays, festivals nationaux de théâtre et ateliers nationaux). Et c'est au cours de leurs ateliers qu'est né le groupe La Máscara. A quelques blocs d'ici d'ailleurs, il y a le TEC fondé par notre maître Enrique Buenaventura. C'est là que s'est consolidé le groupe, d'abord avec les directeurs du TEC, puis La Máscara a pris son envol. D'abord avec du théâtre de rue puis en se rapprochant des groupes sociaux de femmes, des féministes, et en commémorant, à travers le théâtre, le jour de la non violence contre la femme. C'est de cette manière que le groupe se construit, autour d'une même problématique de genre, et du féminisme. Et lors du départ des hommes du groupe, on s'est encore davantage consacré à ça. On travaille d'ailleurs aussi avec les communes, les secteurs marginalisés, opprimés, cela fait un certain temps que l'on développe cela.

Vous voyagez beaucoup ?
Pilar : On a eu l'opportunité de connaître beaucoup de pays en participant à de nombreux festivals en 1989. On a été en Argentine, en Équateur, en Australie, en Nouvelle Zélande, le groupe a été aux États-Unis, et notre travail a été reconnu et applaudi.

Comment travaillez-vous au sein du groupe ?
Suzana : On travaille bien évidemment dans un esprit de création collective, dans le sens où La Máscara a une méthode de travail bien particulière : on invite des metteurs en scène pour qu'ils montent un projet au sein de La Máscara. On n'a pas un metteur-en-scène attitré, sinon un trio. Ils sont venus monter pas mal de spectacles ici.
Lucy : Oui, d'une certaine manière, le travail socio-culturel que nous faisons, nos spectacles tournent généralement autour de cette même problématique de personnes. On travaille à partir d'improvisations pour passer de la scène à la table et vice-versa. C'est de cette manière qu'on construit la structure de la pièce.

Et c'est toujours le même dramaturge, ou c'est en fonction de ce que vous voulez défendre ?
Suzana : En fait, on fait en fonction de ce dont on a envie : certaines fois on s'est dit : "on veut travailler ce texte en particulier". On a travaillé à partir de poème dramatique d'une écrivain new-yorkaise, un autre texte d'une auteure argentine, on est ouvertes à toutes les possibilités. Il y a aussi Pilar qui nous a écrit des textes.

Vous avez combien de pièces au répertoire ?
Lucy : On compte environ une trentaine de pièces.
Suzana : Mais nous n'avons pas toujours travaillé autour de la même thématique, autour de la femme, etc ... lorsque l'on a commencé, La Máscara était un groupe mixte.
Lucy : On a monté beaucoup de textes d'auteurs tels que Shakespeare, Brecht, Buenaventura ... Mais d'une certaine manière, à l'intérieur de ce travail d'improvisation, de création collective, d'analyse de texte, il faut savoir que tout part de l'acteur et de sa proposition sur scène. Ce n'est pas le metteur-en-scène.

Et le groupe se maintient ? Il n'y a pas trop de membres entrant ou sortant ?
Suzana : Si, tout le temps (rires)
Lucy : Nous sommes celles qui restons depuis le début.

Pensez-vous que l'acteur ait une responsabilité ?
Pilar : Bien sûr. Le théâtre latino-américain doit avoir une éthique, une réflexion par rapport à ce qui se passe au quotidien. Car c'est un art qui possède un langage propre, une autonomie. D'ailleurs nous sommes les pionnières du théâtre de genre en Colombie, il n'y a pas grand monde qui se soit consacré au théâtre féministe. Et La Máscara a la capacité, le courage et la qualité qui lui ont valu une reconnaissance internationale.
Lucy : Oui, je crois que La Máscara a une responsabilité sociale au niveau de l'Amérique latine. Au cours de nos ateliers avec la Corporacion, on essaie d'ouvrir d'autre brèches. On ne se réduit pas à faire uniquement de l'expression corporelle ou de la technique vocale, mais on étudie d'autres choses comme l'histoire, l'économie politique. On se positionne par rapport à la société dans laquelle on vit. Et face à une culture patriarcale dominante.
Suzana : Nos engagement en tant qu'actrices se trouvent aussi dans nos projets sociaux-culturels avec des populations déplacées, des jeunes en difficulté, des femmes ... C'est l'objectif majeur du travail de La Máscara, et on croit beaucoup à ce travail.

Que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Lucy : Je crois que d'une certaine manière avec les spectacles que nous montons, les thématiques, on forme un public particulier, qui a une réflexion face un thème donné. On ouvre aussi des débats, on donne des formations aux populations vulnérables, mais pour défendre les droits de l'homme. L'idée de ce travail est d'avoir un écho au sein des communautés, et de créer une conscience face à soi-même et face à la société, d'élever l'auto-estime de chacun et de donner une qualité de vie à travers le langage du corps et de la voix.
Pilar : Et pour ces femmes, par exemple, travailler avec La Máscara a été une possibilité de sortir la tête de toute cette violence ...

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