vendredi 18 juillet 2008

Ivette Mercado, comédienne, Cochabamba


Après trois jours passés dans le Salar d'Uyuni et le Sud Lípez, quelque part dans l'immensité de l'Altiplano, entre les lagunes multicolores, les geysers à 5000m d'altitude, les montagnes rouges et les lamas (!), nous retrouvons la fièvre de la grande ville et des températures plus décentes : Cochabamba, la capitale culinaire de la Bolivie ! Cinq repas par jour, excusez du peu !

A peine arrivées, 7h de train et 4h de bus dans les jambes, nous retrouvons Ivette Mercado près de la fontaine de la plaza centrale. C'est une jeune femme de 26 ans aux yeux clairs qui contrastent avec ses longs cheveux noirs. Elle nous invite à aller au mARTadero, dans le quartier sud de la ville (quartier le plus pauvre), un centre culturel qui se développe depuis 2004 et qui abrite une salle de théâtre, une salle de projection, trois salles d'expositions et une salle pour les activités créatrices des enfants. Un espace bouillonnant de culture dans un quartier désaffecté. Avec la directrice du centre, Ivette nous fait faire la visite des lieux. C'est un ancien abattoir de viande bovine. Il y a encore les crochets et les rails d'origine au plafond ! Dans les cours, des enfants s'amusent et chahutent.
On prend le temps de regarder les expositions photos. Des clichés qui reflètent les inondations de l'Oriente (région ouest) au début de cette année, et les affrontements entre blancs et indiens à Cochabamba et Sucre. C'est avec étonnement et encore un peu plus d'incrédulité que l'on apprend qu'il y a eu deux autres évènements similaires à ceux du 24 mai. La Bolivie semble être sur des charbons ardents.

Nous interviewons Ivette dans une des salles du mARTadero. Ses yeux pétillants illuminent le plan, derrière elle, un tableau noir. Son projet Para que te acuerdas ("Pour que tu te souviennes"), arrive bientôt à terme après 3 ans de travail : elle est allée, avec 3 collègues, dans 3 communautés distinctes dans la région de Cochabamba récolter leurs contes (ils ont une forte tradition orale). Ceci afin d'en faire une compilation et de les porter sur la scène.

Pour commencer, peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ? Qu'est-ce qui t'a donné envie de faire du théâtre ?
Je suis née à Oruro, et ma famille a déménagé à Cochabamba lorsque j'avais 3 ans. J'ai donc grandi et étudié ici. Cela fait environ dix ans que je fais du théâtre, j'ai commencé au collège. Puis petit à petit, c'est devenu toute ma vie.

Peux-tu vivre de ton art ?
J'espère pouvoir en vivre, c'est mon objectif et je crois qu'il est réalisable. Je faisais de la gestion culturelle en parallèle, mais je viens de quitter mon travail pour me consacrer exclusivement au théâtre. J'ai aussi donné des cours dans des collèges.

Peux-tu nous parler du théâtre à Cochabamba ? Quel type de théâtre peut-on y trouver ?
Jusque dans les années 90-95, c'est l'association IBART (association d'artistes) qui dominait. Elle a fondé un festival de théâtre. C'était un théâtre réaliste. Puis des mouvements de jeunes, avec d'autres propositions ont vu le jour, dans le domaine du théâtre expérimental.
Aujourd'hui, il y a trois compagnies "stables" à Cochabamba, principalement des jeunes. Notre groupe fait du théâtre "éclectique-expérimental". Nous essayons de démocratiser l'accès à la culture pour le peuple.

Quel est le devoir de l'acteur ?
Le devoir fondamental de l'acteur est de communiquer, de dire quelque chose.

Selon toi, est-ce que le théâtre doit nécessairement être engagé, ou peut-il être un divertissement pur ?
De manière générale, je ne pense pas que le théâtre doive nécessairement être engagé. Pour ma part, j'ai envie que mon théâtre soit engagé. On ne peut pas rester indifférent à la réalité, le théâtre doit être un chemin vers quelque chose.

Est-ce que le métier d'acteur est un métier comme les autres, ou est-ce une activité "à part", pour toi ?
C'est un métier mais aussi une politique de vie. En même temps, ce n'est pas une activité quotidienne, c'est quelque chose de vivant. Le théâtre exige beaucoup de toi (corps, voix, lecture, écriture, perception,...).

Que penses-tu que le théâtre peut apporter aux gens ?
Beaucoup, beaucoup, beaucoup. Parce qu'il reflète des vérités, des réalités.
Pour celui qui en fait, il y a un plaisir inexplicable à faire du théâtre. Malgré les souffrances des répétitions, les tensions, lors de la représentation tu te dis : "je veux le refaire!". C'est une école de vie. Le théâtre aide les gens à communiquer, je pense.

As-tu déjà regretté ton choix d'être comédienne ?
Non. Pour vous dire la vérité, plus le temps passe, plus je suis convaincue de ce que je fais. Le théâtre me rend heureuse.


Elle nous sourit. On prend notre traditionnelle photo (qu'on a plutôt eu tendance à oublier ces derniers temps...) puis on repart toutes les trois vers le centre ville. On se quitte à un carrefour.

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