mardi 12 août 2008

Ivan Nogales et le Teatro Trono, El Alto

Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre expérience. Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
J'ai 44 ans, et je fais du théâtre depuis que j'ai 15-17 ans, j'ai commencé à El Alto, et toute mon activité a été centrée ici. J'ai beaucoup travaillé avec des jeunes de la rue, mais j'ai commencé avec des gens de la mine et des femmes indigènes.
En 1989, nous avons fondé le Teatro Trono, puis l'association Kompa. On a réussi à construire cet édifice à partir de briques et de broques, de matériaux de récupération, au milieu de la Calle de la Cultura ... on a construit le Teatro Camion, qui nous sert pour voyager.
Voici en gros ce qu'est le Teatro Trono, c'est toute ma vie.

Quand a été fondé le Teatro Trono et quel est son objectif ?
Essayer de remplir les trous et les manques en matière de culture. Voilà son objectif. Il y a d'autres compagnies de théâtre ici à El Alto, mais elles ne sont pas stables. Beaucoup naissent et meurent aussi vite. Le Teatro Trono a été fondé il y a 19 ans. Cela dit El Alto est un véritable phénomène, il y a beaucoup d'activités culturelles.

Comment travaillez-vous au sein du Teatro Trono ? Quel est le principe du théâtre forum ?
C'est difficile de cataloguer le Teatro Trono en un style. Il est sûr que l'on reste dans la lignée d'Augusto Boal, et du Théâtre de l'Opprimé. Mais on fait aussi beaucoup de Commedia dell' Arte, et surtout du théâtre interactif.
En bas au sous sol, par exemple, on a construit la réplique d'une mine, et on y introduit le public en lui faisant vivre de vraies situations, afin qu'il assume un rôle. Il devient lui-même acteur.
Le Teatro Trono est politique, il me paraît impossible de faire de l'art pour l'art. Le contexte social nous pousse à être engagés.

Travaillez-vous seulement avec El Alto ou également avec La Paz ?
Seulement avec El Alto.

Et avec les autres pays ?
Oui, nous travaillons beaucoup avec les étrangers, on est invités en Allemagne, en Hollande, on a déjà effectué 14 voyages en Europe, et 5 aux Etats-Unis.

Quel type d'oeuvre mettez-vous en scène ?
Toutes sortes d'oeuvres. Des pièces d'auteur, Shakespeare par exemple, mais aussi et surtout de nombreuses créations collectives, avec des thèmes variés. Cela donne des résultats hétéroclites.

Que pensez-vous apporter aux élèves par le biais de vos ateliers ?
Il s'agit de leur apporter ce qu'on appelle une "décolonisation corporelle". Notre corps est dépositaire de souvenirs, d'une certaine culture, de passions. Nous avons des "codes coloniaux". L'art, et le théâtre notamment, permet la libération intégrale de la personne. Beaucoup de nos élèves se sont libérés en pratiquant le théâtre. Cela a même permis un impact direct au sein de la famille, de la société. Chaque individu se reconnaît en tant qu'une seule et unique personne, bien distincte du groupe. C'est important.

Qu'essayez-vous de dénoncer, et par quels moyens ?
Nous voulons surtout rassembler les gens. De tous horizons : blancs, indigènes, etc ... dénoncer, et permettre un véritable débat avec le public. Cela sert énormément aux jeunes, pendant les ateliers. Il faut partager tout cela avec beaucoup d'autre gens, et disperser nos intervenants un peu partout. On travaille avec 5000 élèves des Altos, imaginez !

Est-ce que ce sont plutôt des enfants ou des adultes ?
Majoritairement, ce sont des enfants. Mais on compte aussi quelques adultes, car il y a de la demande. Il s'agit d'incorporer la scène dans le quotidien de chacun. Mais nous nous sacrifions tous les jours pour réussir un tel impact social.

Quelle est votre plus grande réussite ?
D'avoir réussi à toucher les enfants, à leur faire faire du théâtre. Et aussi à avoir bâti cet empire à partir de rien, avec seulement des matériaux de récupération. C'est presqu'un petit palace. La calle de la Cultura n'était qu'une vaste décharge, il n'y avait rien. De cela je suis très fier.

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