vendredi 22 août 2008

Felipe Pirès, metteur en scène, compagnie Demi-Plié, Santiago de Chile


Peux-tu te présenter et nous raconter comment t'est venue l'envie de faire du théâtre ?
J'ai 24 ans, je suis comédien et metteur-en-scène. Je ne saurais pas dire comment j'en suis venu au théâtre. On n'a pas toujours une idée précise. On sait que c'est un sacrifice, mais on essaie quand même. Bien sûr, j'ai vu des œuvres qui m'ont donné envie, et j'ai eut envie de faire ça le reste de ma vie. Ici, il est bon de croire qu'il faut faire de la télé. Mais moi je voulais faire du théâtre. C'est ça qui me plaisait. Je voulais que les gens voient ce qu'il y a dans ma tête, donner de l'émotion au public, et le faire réfléchir. Moi je suis sans arrêt en train de penser, tout le temps. Je crois qu'avec le théâtre, on peut participer à "changer le monde". Je suis utopiste, mais je veux y croire.

Peux-tu nous parler du théâtre à Santiago ?
Je crois qu'il y a des gens talentueux à Santiago, des gens qui en veulent, mais que la politique théâtrale n'aide pas, que c'est difficile. Par exemple pour ma pièce El Ser, je suis obligé de m'occuper de tout, de la mise-en-scène, des costumes, de la production, etc ... un acteur doit savoir tout faire.
Aller au théâtre, ici, ne coûte pas cher, mais le public ne vient pas. Une place de cinéma revient à 3800 pesos, une place de théâtre pour adulte est à 4000 pesos, et pour les étudiants : 2500 pesos. Mais cela reste trop cher dans l'esprit collectif. Paradoxalement, ils vont mettre beaucoup plus pour voir le Cirque du Soleil. Il y a un problème d'éducation. Tu demandes à un gamin qui est Pythagore, il connaît. Mais qui est Shakespeare, non.

Peux-tu vivre de ton art ?
Non. Pour ceux qui ne font pas de télé, ou ceux qui ne donnent pas de cours, c'est plus difficile. Cela dit, je crois que c'est possible. Mais beaucoup de comédiens ont un travail qui n'a rien à voir. La situation des acteurs est très précaire, hélas.

Est-ce que ce métier est vu comme un travail sérieux, ici ?
Non, je pense que non. Certaines compagnies font du mauvais théâtre, ce qui décrédibilise les autres. Et de ce fait, on ne trouve pas d'endroits pour jouer.

Quel type de théâtre mets-tu en scène ?
J'ai deux mises-en-scène à mon actif : El Ser, et Abya Yala, encuentros y desencuentros.
J'essaie de donner de l'émotion au public, et de le faire réfléchir. Pour moi, le théâtre est fait pour ça. Aucun besoin qu'il plaise à tout le monde, au contraire. Il faut qu'il y ait un débat.

Comment travaillez-vous pendant les répétitions ?
On travaille d'abord sur le corps. C'est un théâtre physique. Donner à l'acteur une conscience de son corps. Mais c'est surtout avec cette pièce, El Ser. Le plus important, c'est d'être vrai. Au plus proche de la vérité.

Selon toi, est-ce qu'il existe un devoir de l'acteur ?
Bien sûr. Spiderman disait : "Un grand pouvoir implique une grande responsabilité". La responsabilité de l'acteur est sociale, faire réfléchir les gens. Son pouvoir est d'inventer un monde qui n'existe pas. On ne fait pas du théâtre pour soi-même, mais pour changer les choses qui ne fonctionnent pas.

Selon toi, est-ce que le théâtre doit être engagé, ou est-ce qu'il peut seulement servir à divertir ?
Ça ne peut pas être seulement de la diversion. Il faut entretenir une tension, entretenir l'identification ... ça doit être un compromis entre les deux. Mais pas seulement de la comédie ou de la tragédie. Il doit y avoir des conflits de vérité.

Est-ce que tu as un rituel avant de commencer une pièce ?
Se dire 3 fois merde. Mais pour moi c'est surtout un échauffement corporel, et de la concentration.

Que penses-tu que le théâtre puisse apporter aux gens ?

Cela donne la possibilité aux gens de croire en quelque chose, le temps d'une pièce, en un monde qui n'existe pas par exemple. Cela donne de l'espoir.

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