mardi 26 août 2008

Loco Freddy, "peintre de l'humour", Santiago, Chili


Pouvez-vous vous présenter et nous raconter comment vous est venue l'envie de faire du théâtre de rue ?
Je m'appelle Freddy Ormeño, je suis chilien et je vis à Santiago. Je veux faire du théâtre depuis que je suis tout gamin. Ça me passionne. J'ai commencé au collège. Mais c'est en 87, lors de la visite du pape au Chili, que j'ai eu le déclic. J'avais été choisi pour faire un discours. Au dernier moment, le discours a été censuré, et comme je l'avais appris par cœur, j'ai pu faire le discours original. A ce moment-là, je me suis dit : "Je suis fait pour ça".
J'ai d'abord fait partie d'un groupe, puis on s'est séparés. Et je suis devenu "peintre de l'humour". J'ai quitté le Chili pour l'Argentine, où je réussissais à intéresser les gens, puis je suis allé en Espagne. Là-bas j'ai rencontré beaucoup de peintres de l'humour. J'y ai étudié l'anglais (tout le monde sait parler anglais). J'ai fait ça un peu partout, dans la rue, mais aussi dans des espaces prévus à cet effet. Mais mon crédo c'est vraiment la rue. Ce qui me plaît, c'est qu'il faut voir au jour le jour comment ça se passe. Ça fait 24 ans que j'exerce ce métier.

Comment considérez-vous ce que vous faites dans la rue : du théâtre, un one man show ... ?
C'est du théâtre. Mais une autre forme de théâtre : les gens ne sont pas habitués à voir des spectacles dans la rue, donc il faut systématiquement aller les chercher. C'est beaucoup plus difficile. Il y a un risque constant, que les gens s'en aillent. Il faut faire rire, tout le temps. Et quand au final le public est ému, à ce moment-là, il donne de l'argent, il achète mon dvd, etc ... il peut donner énormément à ce moment-là. Parfois le spectacle dure 1h30 ! C'est énorme.

Et les gens restent ?
Les gens restent ! 1h30. C'est le plus long que j'ai pu faire. Et ce n'est que de l'improvisation, moi je n'ai pas de décors comme tous ces humoristes qui passent à la télé. Il s'agit de garder le contact avec les gens.

Est-ce que vous jouez toujours avec les gens qui passent ?
Bien sûr.

Pouvez-vous vivre de votre art ?
Oui. J'ai 7 enfants, et la majeur partie de mes revenus va à ma famille. Je vis dans le centre, alors ... mais oui, on peut en vivre, même si c'est difficile, il n'y a pas d'appui. Tu dois payer pour jouer. Ici, dans ce pays, divertir les gens, si tu es chilien, c'est un délit. Si tu es étranger, tu as un appui du gouvernement. C'est absurde, non ? Moi, je n'ai plus l'autorisation. J'ai été en prison pour ça.

Comment faites-vous pour attirer le public ?
Écoute, cette question a deux réponses. Lorsque je fais ça dans une autre ville où personne ne me connaît, a La Serena, a Antofagosta, c'est plus difficile, si tu commences à parler dans la rue. Ici, les gens savent que je vais jouer. Les gens sont plus accommodants, ils savent que tu vas faire de l'humour. Sinon, je dois alpaguer une personne, puis une autre, jusqu'à ce que le cercle se forme autour de moi. Avec les applaudissements, les passants comprennent qu'il y a un spectacle. Et là le show peut commencer.

Le théâtre de rue est très développé ici, au Chili ?
Non, il n'y a pas beaucoup de monde qui fait ça. Ceux qui sont là sont peu nombreux.

Pensez-vous qu'il y ait un "devoir" de l'acteur ?
Oui, le devoir de l'acteur est de donner toujours le meilleur de lui-même, faire le meilleur spectacle possible, faire son travail, et réussir à gagner de l'argent.

Que pensez-vous que le théâtre de rue puisse apporter aux gens ?
L'humour. Permettre aux gens d'être heureux, ici, dans la rue, sur le moment. Le théâtre en général, le théâtre élitiste, est réservé à un certain public, qui peut payer les places. Avec le théâtre de rue, tu permets à tout un chacun d'accéder à un spectacle. Mais pour que cela marche (le théâtre de rue, la comédie), il faut être un très bon comédien, et ce n'est pas toujours le cas. Le théâtre, c'est Molière, à 100%.

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