samedi 25 avril 2009

Gerardo Potes López y Leonor Amelia Perez, Casa de los Titeres, Cali

Tout d'abord pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Gerardo Potes López :
Je suis Gerardo Potes López, je suis le directeur artistique du Pequeño Teatro de los Muñecos et de la Casa de los Titeres. Le groupe est né en 1963. Je suis calénien de naissance.
Leonor Amelia Perez : Je suis Leonor Amelia Perez, je suis membre du Pequeño Teatro de los Muñecos, cela fait 26 ans que le groupe existe et nous l'avons fondé avec Gerardo et Alejandro.

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
Gerardo : En ce qui me concerne, mon grand-père est musicien, et la relation que j'ai au travail vient de lui. Ma grand-mère, elle, vient du sud, c'est une indigène de Pasto. Et à Pasto justement, il y avait un évènement annuel très particulier, un carnaval en noir et blanc. On voyait passer des chars avec de grandes marionnettes ... je pense que c'est un peu à l'origine de tout cela. Mais il y a aussi que depuis tout jeune, je suis assailli par ces contradictions politiques et idéologiques dans un pays conservateur mais rempli de violence, et où il n'y avait pas vraiment d'échappatoire à tout cela. On était très jeunes, animés par le désir de se tourner vers autre chose, mais enserrés dans un monde étroit, celui de la fête, on faisait la fête tous les jours. De mon côté j'ai commencé à me poser des questions, sur ce que je voulais faire de ma vie ... j'ai pris la décision d'intégrer l'Ecole d'Arts Plastiques, mais cela m'a frustré dans le sens où je faisais de la musique et que bien qu'ayant certaines affinités avec cet art, ce n'était pas ce qui me motivait vraiment. En 1974, l'année suivante, je suis entré à l'Ecole de Théâtre et à partir de là je n'ai fait plus que ça, du théâtre.
Leonor : De mon côté, j'ai sept frères, et avec l'un d'entre eux on était comme les petits clowns de la maison, tout était prétexte à rire. Autre chose de très important aussi, c'est que je suis née dans ce quartier, c'est un quartier traditionnel de Cali où il y a toujours eu beaucoup de mouvement culturel. A quelques pas de là nous avons le Teatro al aire libre Los Cristales, c'est un théâtre magnifique, spacieux, où gravite beaucoup de monde. Quand j'étais petite et il n'y avait pas beaucoup de télévision et toute la technologie d'aujourd'hui, on pouvait assister à des spectacles de tout genre, théâtre, musique, danse, etc ... et cela a été comme le déclic à toute cette sensibilité. Oui, il y a du mouvement dans ce quartier.

Comment est née la Casa de los Titeres ?
Gerardo : La Casa de los Titeres est une nécessité. Elle est née à partir du rêve de plusieurs groupes. On jouait dans un petit théâtre à une époque, mais il était laissé à l'abandon. Je me suis fait la réflexion qu'il nous fallait un espace bien à nous où l'on puisse se former un public, pour les marionnettes, avec une école pour gagner de la crédibilité, et conquérir nos spectateurs. Voilà, on voulait un lieu où l'on puisse amener ce public et le sensibiliser aux marionnettes. Lui donner une culture de la marionnette. On a commencé à chercher est on a trouvé cette maison. Toute la structure existait déjà, on n'avait plus qu'à l'habiter, la vêtir, l'arranger. Mais elle était telle quelle, avec la salle au fond. Elle n'attendait plus que les marionnettistes. Donc on a débarqué dans cet endroit, et on a commencé à travaillé. Ça a duré 6 mois comme ça jusqu'à ce qu'on se rende compte que le public n'était pas au rendez-vous. On a décidé de consolider ce rêve, de lui donner un toit, et on a travaillé beaucoup plus dur, tellement intensément qu'on est venus vivre ici, dans la Casa. On n'arrêtait pas, 8 jours sur 8, sans relâche, promouvoir, faire de la comm', distribuer des prospectus. Et aujourd'hui cette maison est devenu un projet de la ville, un patrimoine de la communauté calénienne. On commence d'ailleurs une nouvelle production de pièces, on a tout un public ... on a déjà eu la visite de plus de 150 000 personnes, on a fait 8 festivals internationaux, des rencontres de théâtre de marionnettes, des rondes populaires c'est à dire que l'on offre un espace aux groupes qui n'en ont pas, pour présenter leur travail.

Et pourquoi avoir choisi les marionettes plus qu'une autre forme théâtrale ?
Gerardo :
On est tous acteurs de formation. Et avec le groupe, lors d'une tournée en Amérique centrale, on a découvert le spectacle d'un marionnettiste incroyable. Lorsqu'on était ici, en tant que comédien, on ne voyait pas les marionnettes comme une possibilité d'évoluer où d'avoir une cohérence théâtrale. On les voyait comme quelque chose de très récréatif. Donc c'est là-bas que l'on a assisté à une nouvelle proposition artistique, pas seulement une proposition scénique, mais aussi tout un espace mis en place. Cela nous a fait comprendre quelque chose, et a donné une nouvelle dimension aux marionnettes. Ici en Colombie on n'avait jamais réussi à avoir une relation aussi forte. J'ai découvert qu'il y avait un espace de recherche, d'investigation, et que cela m'intéressait de travailler dans ce sens, et dans l'animation d'objets. On a commencé le processus de création en 1983 en fondant le Pequeño Teatro de Muñecos. Mais ce n'est pas pour cela que l'on a mis de côté l'importance de l'acteur. Le comédien et la marionnette sont pour nous deux éléments indissociables. Il y a tant de possibilités de jeu, autant avec le corps qu'avec la marionnette.

Et pensez-vous que l'artiste ait une responsabilité ?
Leonor : Bien sûr ! Nos spectacles sont toujours en rapport avec la réalité qui nous entoure, car si un artiste n'évolue pas dans son travail avec une époque ou une situation, je ne crois pas qu'il puisse rester artiste. Donc c'est un grand mot, responsabilité, mais comme on l'emploie ici, je pense qu'elle est conséquente, notre responsabilité : on doit dire des choses, ouvrir les yeux à ceux qui les ont fermés, à ceux qui avancent dans l'obscurité. Car pour moi l'artiste a comme un troisième œil, sur ce qui se passe au sein de la société, sur le rythme effréné de la vie, sur la globalisation, sur le bruit, et sur toutes ces choses qui se passent dans le monde. On est obligés de sensibiliser les gens, de leur offrir de nouvelles possibilités. Sans cela je crois que je ne continuerais pas à faire de l'art.
Gerardo : Nous avons une responsabilité, oui. Le théâtre est une manifestation sociale, il a une fonction sociale. Ce serait très difficile, pour nous, de faire abstraction du monde, on vit dans une réalité qui touche l'homme. Notre objectif, plus que de faire de l'argent, est de proposer de nouvelles choses à un public submergé par la rapidité du quotidien. Il n'a plus le temps de lire, ni de penser. Nous autres les artistes, c'est ce que nous faisons. Puiser dans ce qu'offre la vie et le présenter sous une autre forme au public, par le biais des marionnettes. De les émouvoir. De les faire réfléchir. Généralement, chacune de nos pièces est différente. On ne se répète jamais, c'est une recherche constante, vers autre chose. Pour pouvoir arriver à montrer ce que l'on veut au public.
Leonor : La pièce que vous avez vu est didactique, par exemple. On se dit : aujourd'hui, on veut que le public soit ému, et de ce fait, il laisse sortir les larmes, car on lui offre du mélodrame, et parfois on le fait rire, avec une farce poétique. Mais au milieu du rire, de la fantaisie, il y a toujours des choses qui se disent. On ne le laisse pas partir sans rien, il y a toujours un élément transcendantal.

Que pensez-vous que le théâtre de marionnettes puisse apporter aux gens ?
Gerardo : Il apporte beaucoup. On n'a jamais classifié notre travail comme étant du spectacle pour enfant. Ça a été très difficile car l'enfant vient systématiquement accompagné d'un adulte, on essaie donc de toucher l'adulte pour qu'il continue d'amener son enfant. Car on peut amener un adulte à réfléchir, on peut atteindre son cœur et réactiver en lui ce qui est mort en grandissant. Lui donner la possibilité de profiter de la fantaisie. L'enfant, lui, est plus vierge. Il a déjà toutes ces choses en lui, il joue avec les marionnettes, converse avec elles, sa relation est très naturelle. Nous autres adultes avons déjà un niveau de réflexion plus complet.
Leonor : Il y a quatre chose de très important, en parlant d'apport : les marionnettes rassemblent tous les arts à la fois : du théâtre, de la danse, de la plastique, de la musique. Nous sommes privilégiés dans ce sens. Quand on crée une marionnette, rien n'est laissé au hasard. Elle naît d'un processus de travail, de dessin, elle doit avoir certaines caractéristiques car la pièce le demande.
Gerardo : Ce que nous faisons, c'est former un public pour le futur, à travers l'art plastique, la danse, la musique et le théâtre. Beaucoup d'adultes viennent voir nos spectacles et nous disent : "Je ne savais pas que les marionnettes étaient comme ça, je ne m'imaginais pas ça." Dans la Casa de los Titeres, il y a une vision beaucoup plus universelle, beaucoup plus ample de ce que sont les marionnettes. Ce ne sont pas "juste" des spectacles pour enfants. Cela vise tout un chacun.

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