jeudi 26 juin 2008

Hugo Pozo, comédien théâtre populaire, La Paz

On ne pouvait passer par La Paz sans aller à la rencontre de son Teatro popular. Bien différent de ce que l'on a pu voir jusque-là, c'est aux côtés d'Hugo Pozo que nous découvrons cette autre forme de théâtre.

Hugo Pozo nous reçoit au 5ème étage d'un immeuble en plein centre de La Paz, on arrive évidemment complètement essoufflées, le soleil tape sur les vitres de l'atelier (Hugo y donne des cours), mais c'est dans son bureau que l'on choisit de l'interviewer. Sa secrétaire (oui oui) nous offre un coca, on installe le matériel, Hugo nous demande s'il a une minute pour se recoiffer, nous la lui accordons. C'est parti.

Racontez-nous votre expérience.
J'ai commencé le théâtre en 1973 avec Eduardo Casi, durant 6 ans, j'ai fait ce qu'on appelle du théâtre expérimental, puis d'autres gens m'ont contacté pour faire du drame et de la comédie. J'ai 200 œuvres à mon actif au niveau national et international. Je fais de la mise-en-scène et je donne des cours.
Dès 1992, j'ai formé ma propre compagnie : Compañía de Teatro Hugo Pozo Bolivia. La différence avec les autres troupes, c'est que je travaille au niveau national et non pas local. Je participe également aux festivals internationaux où je représente la Bolivie. J'ai aussi travaillé dans le cinéma, avec de nombreux réalisateurs internationaux. Le théâtre c'est ma vie, le cinéma c'est ma passion.

Quand et comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ? Quel a été le déclic ?
Depuis tout petit je rêve d'être acteur de cinéma, c'était mon rêve d'enfant. Comme la plupart des acteurs, j'étais un enfant très timide et très introverti. Le théâtre m'a permis de m'ouvrir. Il n'y a pas un jour où je ne fais pas de théâtre. D'ailleurs, je suis en stress pour la représentation de demain, et ce sera le cas jusqu'à l'ouverture du rideau !

Comment définiriez-vous ce qu´on appelle le "théâtre populaire" ?
Le terme "populaire" vient du mot "peuple". William Shakespeare a écrit son Roméo et Juliette pour le peuple. Je fais du théâtre populaire pour mon peuple. Le théâtre doit être à l'image du peuple, tant pour les points positifs que pour les points négatifs. La vie doit être reflétée dans le théâtre. ll devrait y avoir un théâtre populaire propre à chaque pays, cela me semble dénué de sens de monter des œuvres européennes ici. Nous n'avons pas les mêmes problématiques de société. Le théâtre populaire est fait par le peuple pour le peuple.

Quel type de relation entretenez-vous avec votre public ? Essayez-vous d'atteindre tout le monde ?
La meilleure qui soit ! (rires) C'est une relation réciproque d'admiration, le public témoigne beaucoup d'effervescence pour mon travail.

Cherchez-vous à faire passer un message dans vos œuvres ?
Toutes les œuvres devraient avoir un épilogue qui contient un message et une morale. Ma pièce contient tout cela.

Pensez-vous que le théâtre change avec les évènements sociopolitiques ?
Aujourd'hui à La Paz il y a environ 200 compagnies (avant il n´y en avait qu'une ou deux), certaines d'entre elles font du théâtre à des fins sociales, religieuses, politiques, moi je veux faire du théâtre pur.

Vous considérez-vous comme un acteur engagé ?
Si on considère que le théâtre est issu de la société pour la société, on est nécessairement engagé. La Bolivie est un pays trop problématique au niveau politique, social, économique et régional. Les gens n'ont pas envie d'aller au théâtre pour retrouver leurs problèmes quotidiens. Sauf si c'est de la comédie, car ils peuvent oublier et rire. La comédie est la fonction de l´acteur, les spectateurs doivent se divertir.

Que pouvez-vous nous dire du métier de comédien en Bolivie ? Est-ce considéré comme une véritable profession, ou plutôt comme un hobby ?
On ne peut pas vivre de l'art en Bolivie. Comme on n'a pas d'appui du gouvernement ni des entreprises, il nous faut travailler indépendamment, ça ne devrait pas être comme ça. Les acteurs sont obligés de travailler à côté, alors que l'acteur professionnel devrait répéter toute la journée, tous les jours de la semaine.

Parlez-nous de la pièce que nous allons voir, de quoi parle-t-elle ?
¡Ayyy Warjaaata ... que Warjaaata!, c'est une pièce que j'ai écrite. C'est l'histoire d'un personnage exotique surnommé Warjata, qui ici se convertit en prof de danse traditionnelle bolivienne. C'est une œuvre de mœurs populaire mais pas traditionnelle. Elle est également générique, ce qui permet de la jouer partout.

Pour finir, que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Cela peut apporter beaucoup à un peuple, les gens sont à la recherche de figures, pour pouvoir s'identifier. L'apport du théâtre dans une société est essentielle, la preuve, c'est que beaucoup de politiques ont cherché l'appui de grands noms du théâtre bolivien pour s'attirer la sympathie du peuple. Moi, je suis un travailleur de la culture, mais pas de la politique. La culture et la politique doivent être bien distinctes.

On coupe la caméra. Le soleil a déjà baissé dans le ciel. Curieux, il nous demande quel type de théâtre nous faisons, et dans quelles pièces nous avons joué. Nous répondons timidement La Tempête-Lughnasa-Les Muses-Le Songe-Cendrillon, il semble intéressé et propose une future collaboration lors de ses prochains voyages. Ça marche, Hugo, on part là-dessus !
Retrouvez toute son actu sur : www.hugopozoteatrobolivia.com

Ayyy Warjaaata...que Warjaaata!", ou une expérience de théâtre populaire à La Paz !
Vendredi 26 juin, au soir. Après avoir marché une bonne demi-heure dans les rues labyrinthiques de La Paz, on arrive au Cine Teatro Mexico. Une foule se presse déjà devant l'entrée, on se demande comment on va faire pour retrouver la coordinatrice d'Hugo Pozo pour qu'elle nous laisse entrer. Heureusement on l'aperçoit vite, et elle nous installe au premier étage. Le lieu est vétuste, éclairé aux néons, mais grand (1200 places), les techniciens sont en train d'installer le décor. Les projecteurs sont montés sur une armature, juste dans notre champ, et niveau sono : 4 micros pendants au-dessus de la scène, Hugo nous avait prévenu! On essaie tant bien que mal de régler la caméra, mais la lumière est vraiment blafarde. Un poste diffuse trois chansons de reggaeton à plein tube et en boucle.
Le public entre : une foule de cholitas, de mères avec leur bébé, des familles entières équipées en nourriture : cuisses de poulet frites, pop-corn, sodas,.... on n'avait jamais vu ça !!! Le théâtre commence dans la salle, du côté des spectateurs. Le peuple bolivien est là, je crois qu'on est les seules blanches.
La lumière s'éteint, une annonce grésillante nous présente la compagnie de théâtre d'Hugo et donne la liste de tous les comédiens qu'on s'apprête à voir, la pièce va commencer...
Le théâtre populaire : des personnages stéréotypés, qui exagèrent à outrance, des courses poursuites (une femme qui veut assommer son mari avec son sac à main), deux travestis, et le personnage principal joué par Hugo Pozo, Warjaaata. En tout 20 comédiens pour 3 actes (2 heures de spectacle), pure comédie "gagesque". Le public s'esclaffe, rit, applaudit. Nous on reste un peu sous le choc : c'est tout à fait le genre de théâtre qu'on trouve moins intéressant (et comme on comprend pas la plupart des gags parce qu'ils parlent à toute vitesse). En plus on est frigorifiées et affamées (les effluves de pop-corn et de poulet n'aidant pas notre estomac à se taire...). Nous voilà confrontées à une nouvelle forme de théâtre qui, même si elle nous plaît pas, touche le peuple bolivien en plein. Quelle expérience !

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