mercredi 28 janvier 2009

Cristina Marchán et le groupe Malayerba, Quito

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Oui, je suis Cristina Marchán, actrice du groupe Malayerba, cela fait 6 ans que j'ai intégré cette compagnie, comme actrice et aussi un peu dans le travail de diffusion et d'administration, qu'on fait à tour de rôles.
Je donne aussi les cours d'improvisation.

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
Un jour, j'ai eu envie... Petite non, hein, je haïssais le théâtre. Je haïssais, je haïssais ! Je haïssais les gens, le public,... Mais je crois que j'avais un grand besoin d'exprimer quelque chose et que je ne savais pas comment faire. Et un jour j'ai vu une pièce de Malayerba, Pluma elle s'appelait, ils l'ont jouée il y a quelques années déjà. Et là j'ai découvert la possibilité de réinventer le monde, et de se réinventer soi-même aussi, et d'exprimer les choses avec lesquelles on est pas d'accord et de chercher des possibilités de changement, des possibilités pour le monde. Et c'est cela qui m'a fait me dire : "Je dois faire du théâtre".

Pouvez-nous raconter la genèse du groupe Malayerba ?
Malayerba a commencé avec la rencontre de trois personnes, Arístides Vargas et Susana Pautaos sont arrivés d'Argentine exilés de la dictature et Charo Fránces, arrivée d'Espagne, auto-exilée elle aussi après de nombreuses années de franquisme. Ils ne se connaissaient pas mais ils sont arrivés à Quito, se sont rencontrés et ont commencé à travailler ensemble - les trois étaient acteurs, issus d'écoles différentes, et de différentes réalités. Et, en se réunissant - parce que c'est la seule chose qu'ils avaient, ils n'avaient rien, pas de famille, ils ne connaissaient personne - ils ont commencé à s'enseigner ce qu'ils avaient appris, pour se créer un langage commun et commencer à créer des pièces. C'est un peu comme cela que ca a commencé, Malayerba.
Ensuite, d'autres acteurs équatoriens se sont joints et en 1980 environ, ils jouent la première pièce sous le nom Malayerba. Depuis, beaucoup de gens se sont joints au groupe pendant un temps, puis sont partis, c'est toujours en mouvement.

Depuis quand êtes-vous installés dans cette incroyable maison ?
Cette maison, si je ne me trompe pas, nous l'avons depuis 1997-1998. C'est une maison que le groupe a pu acheter grâce à une tournée en France. C'est la première fois qu'ils se faisaient de l'argent en faisant du théâtre ! Et tous les membres du groupe ont décidé - au lieu de demander un salaire - de mettre tout l'argent en commun et d'acheter cette maison - qui était destinée à autre chose, un hôtel je crois. Et un jour, des gens d'une ONG hollandaise sont venus offrir des financements, parce qu'ils avaient entendu parler d'un groupe Malayerba, qui travaillait beaucoup, et ils leur ont proposé de l'aide financière, pour développer la maison avec le théâtre, les salles de répétition, ...

Est-il difficile de développer une compagnie comme celle-là en Équateur ?
C'est difficile, mais c'est faisable. Et c'est faisable parce qu'il y a beaucoup de compagnies. Il y a pas mal de compagnies qui ont su se maintenir, qui écrivent - je crois que l'une des caractéristiques de nos groupes, c'est que nous avons aussi besoin d'une dramaturgie qui nous est propre, et que nous ne trouvons pas nécessairement dans les textes écrits ce que nous avons besoin d'exprimer.
Les groupes se sont donc mis à chercher leur propre dramaturgie.
Et oui, c'est difficile parce qu'il n'y a pas beaucoup d'appui institutionnel, ni des entreprises privées, mais c'est faisable.

Vous créez tout, au sein du groupe ?
Oui. C'est intéressant dans l'histoire du groupe, parce qu'il a commencé en utilisant des auteurs connus, classiques, comme Brecht par exemple. Mais plus tard, le groupe a eu besoin que quelqu'un écrive. Et Arístides a dit qu'il ne savait pas écrire. Mais bon, c'est finalement à lui qu'est revenu cette tâche, il a commencé, et maintenant c'est notre dramaturge, il écrit toutes les pièces que nous montons.

Comment définiriez-vous le genre de théâtre que vous faites ?
C'est compliqué. Je crois que ce sont des univers...euh... c'est difficile parce que ce sont toujours des histoires douloureuses à la base, qui ont un rapport avec la mémoire, avec des douleurs, des disparus, des morts, pendant des moments politiques très difficile, des moments sociaux très forts. Mais la poétique d'Arístides permet, à l'intérieur de ces univers de douleurs, de revendications aussi, il existe la possibilité du jeu. Il y a toujours beaucoup de scènes pleines d'humour. Mais l'humour est toujours en lien avec la réflexion, ce n'est jamais un humour gratuit. Il invite toujours à une prise de distance, par le rire, à un moment ou l'on se demande : "pourquoi suis-je en train de rire ?"
On pourrait dire que ce sont des drames sociaux, qui sont toujours mêlés au contexte social.

Pensez-vous que le théâtre doive dénoncer quelque chose ou peut-il être du pur divertissement ?
Je pense que le théâtre en général peut être divers. Ça peut être du divertissement, moi ça ne m'intéresse pas, mais ça peut exister et ça a le droit d'exister. Et plus il existe de formes théâtrales, mieux c'est, je crois. Mais ce type de théâtre ne m'intéresse pas.

Pensez-vous que l'acteur ait une responsabilité ?
Je pense que oui. Ça dépend aussi du type de théâtre qu'on choisit de faire. Si on choisit du théâtre de divertissement, pas nécessairement. Mais le théâtre qui m'intéresse et qui intéresse le groupe, oui, il y a un besoin de dénoncer quelque chose. Quelque chose qui n'est pas toujours nécessairement politique, comme dans la vie politique des partis, de la conjoncture.
Parfois ça a un rapport avec la politique de la vie, avec une injustice ou avec l'injustice dans un lieu comme la maison, ou l'école, ce type de contexte.

Pour finir, que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
J'espère beaucoup ! Je sens que ça apporte la possibilité de quelque chose. Je ne sais pas de quoi, ça dépend de chacun. Mais penser que quelque chose est possible, autre chose.

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