dimanche 18 janvier 2009

Gina Beretta et le Teatro del Milenio, Lima

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Oui, je suis Gina Beretta, je suis productrice du Teatro del Milenio, je suis aussi fondatrice de la compagnie - dans laquelle j'ai aussi travaillé en tant que comédienne, mais maintenant je m'occupe de la production artistique, il s'agit non seulement de production mais j'interviens aussi dans la partie créative.

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
Il y a très longtemps, j'ai vu une pièce de théâtre de la compagnie Cuatro Tablas et ça m'a fascinée. Ça m'a fascinée et je me suis dit : "je veux faire ça". Comme j'avais terminé le collège très jeune, mes parents ne voulaient pas que je me consacre au théâtre, parce que le théâtre est quelque chose de très incertain. J'ai donc fait une licence en histoire et quand je l'ai terminée, j'ai fait du théâtre. Mais bon, ça m'a aidé, je ne le regrette pas, ça m'a beaucoup aidée dans le théâtre, surtout pour la partie créative, que je fais aussi, la partie dramaturgique. C'est très complémentaire, je n'ai donc aucun regret.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du Teatro del Milenio ?
Nous, les fondateurs du Teatro del Milenio, nous avons commencé dans un groupe qui s'appelait Raices (Racines, ndlr), c'était en 1982. Le directeur de Raices était l'un des anciens de Cuatro Tablas, le groupe qui m'avait fasciné à l'époque. On a donc travaillé avec lui et le groupe Raices pendant environ dix ans, on faisait du théâtre de rues. Quasi sans paroles, avec beaucoup de gestualité, on travaillait l'énergie, des concepts du théâtre oriental. On travaillait toute une série de concepts : les tensions du corps, le centre de l'équilibre, la fragmentation, les codes verbaux. On a fait un grand travail de diffusion du théâtre de rue qui a été très important.
Et plus tard, en 1992, trois des membres de Raices nous sommes séparés du groupe et on a formé le Teatro del Milenio. On a commencé en faisant du théâtre de rue aussi.
Mais à partir de l'année 1996 se sont joint au groupe quelques Afros - le directeur est lui-même Afro - et a surgit l'idée de faire une pièce qui parle des Afros-péruviens. Généralement, tous les travaux des Afros au Pérou - théâtre, musique, danse - parlent surtout de l'esclavage. Comme si l'esclavage était l'identité des Afros. Mais nous nous pensons que non, que l'esclavage est quelque chose d'épisodique et que la véritable identité, la véritable tradition est en Afrique. Il s'agit de revendiquer l'ancestralité africaine, la dignité africaine. Ça a été très important pour le groupe de faire ce travail. Et pas seulement pour le groupe d'ailleurs, mais pour tous les Afros qui s'y sont identifiés d'une certaine manière, et qui se sont sentis revalorisés.

Comment définiriez-vous le genre de théâtre que vous faites ?
Je pense que la proposition du groupe - bien que nous ne l'ayons pas encore totalement définie - c'est celle du théâtre du rythme. C'est-à-dire qu'à travers le rythme (les percussions, la musique en général, jusqu'au texte même), nous proposons une véritable esthétique. C'est quelque chose propre aux Afros, la question du rythme, des percussions, c'est très fort. On a commencé à travailler toutes les danses traditionnelles, et à partir de là des codes d'expression se sont créés.
Je crois que notre proposition est réellement celle du théâtre du rythme, que la musique communique, que les mots se fassent musique, et que la musique se fasse parole.

C'est vous qui créez tout, musique, danse, texte, ... ?
Ce sont des créations collectives, on ne se base pas sur des auteurs traditionnels et toutes nos œuvres sont de ce type.

Comment travaillez-vous au sein du Teatro del Milenio ?
Pour les répétitions, il y a toujours un entraînement rythmique à travers les danses, parfois quelques exercices acrobatiques et ensuite on répète les claquettes, par exemple. C'est ça la première partie, tout ce qui est échauffement. Et plus tard, il y a la partie créative, où on met en place les nouvelles choses. En ce moment, on monte une nouvelle pièce.

Pensez-vous que l'artiste de théâtre ait une responsabilité ?
Je pense que oui, que c'est inhérent. L'artiste propose toujours une vision du monde. Nos pièces, par exemple, pointent toujours quelque chose du doigt, mais ce n'est pas notre objectif de faire des pièces didactiques, qui imposent une position, parce que nous ne sommes pas les politiques, on ne détient pas non plus la vérité, je crois que notre proposition critique, d'une certaine manière, mais plutôt subliminale, pas directe. Ce n'est pas un pamphlet. Il y a une vision du monde, c'est une proposition idéologique, mais l'intention n'est pas celle-là.

Pensez-vous que le théâtre doive dénoncer à chaque fois, ou peut-il être du pur divertissement ?
Je pense que le théâtre, c'est du divertissement en premier lieu. Et si par le biais d'une forme divertissante on peut faire parvenir un message, je crois qu'il peut mieux parvenir que par le biais d'une forme ennuyante ou pamphlétaire. Les gens sont déjà trop saturés de messages, de propagandes, surtout ici, dans ce pays, les gens ne croient plus aux hommes politiques, il y a beaucoup de corruption, il y a un grand mécontentement.
Je pense que le théâtre doit divertir, mais nous ne faisons pas du théâtre seulement pour divertir, nous avons un message. Le principal, c'est que les acteurs s'amusent, l'important c'est la qualité artistique.

Pour finir, que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Je crois que le théâtre, le contact de personne à personne, l'énergie d'un autre être humain dans l'espace, je crois que déjà ça, ça communique quelque chose. Les gens reçoivent une série de message à travers une proposition esthétique et je crois que ça peut avoir de l'impact.
Je crois que le théâtre a une force incroyable quand il y a un grand niveau artistique. Une petite anecdote : j'ai un ami psy dont le patient est venu voir quatre fois le spectacle. Mon ami ne comprenait pas pourquoi il revenait voir autant de fois le même spectacle. Son patient lui a expliqué que ça le rendait heureux, que ça le revigorait.
Des gens nous on dit : " Depuis que je vous ai vu, ma vie a changé !", des choses comme ça. Moi-même, comme je t'ai dit, quand j'ai vu une oeuvre qui m'a marquée j'ai voulu faire du théâtre, ça a changé ma vie. Ma vie a été marquée par une pièce de théâtre.

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