dimanche 15 février 2009

La compagnie du Teatro R101, Bogotá

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à tour de rôles ?
- Cecilia Ramírez, comédienne permanente du Teatro R101
- Martha Sáenz, comédienne
- Andrés Angulo, comédien
- Alejandro, musicien au sein de la troupe
- Hernando Parra, directeur artistique du Teatro R101
- Hernán Cabiativa, comédien invité au Teatro R101 (rires)
- Felipe Botero, Hernán est comédien permanent, je précise, et moi aussi.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du Teatro R101 ?
Hernando Parra : Le théâtre R101 a été fondé le 11 février 1995. Un groupe d'étudiants de différentes filières, on fait grandir ce rêve lentement, et on fait le projet d'un groupe, d'une institution, d'une salle et d'un siège. Parmi eux Hernán, l'un des membres fondateurs, et d'autres qui appartiennent au groupe mais qui ne sont pas dans cette pièce. C'est un groupe qui avait, et qui a aujourd'hui la sérieuse intention de se consolider comme groupe professionnel. Un endroit où l'on peut travailler tant des pièces d'auteurs étrangers que colombiens, et devenir finalement un groupe de répertoire qui peut accéder à tous types de langages.

Pouvez-vous nous parler de votre pièce, La Bienvenida (de Caryl Churchill, ndlr), pourquoi avoir choisi ce texte ?
Hernando P. : Nous avons mis-en-place un groupe de lecture au sein duquel nous avons lu 60 à 80 pièces par an. C'est un groupe interdisciplinaire, où on ne lit pas seulement en espagnol mais en beaucoup de langues. L'idée était de trouver une pièce qui soit divertissante, qui nous laisse quelque chose. Ces recherches sont généralement assez frénétiques, on ne peut pas dire que le processus soit normalisé ! Mais il arrive qu'on ne trouve pas de pièce, après avoir parcouru près de 90 auteurs. Très préoccupés, on s'est donc donné l'objectif de chercher, et chercher, dans toute la dramaturgie contemporaine. On est tombé sur Caryl Churchill grâce à un petit encart sur internet, de Peter Brook, où il apparaissait qu'il avait monté une pièce de Caryl Churchill, ca nous a interpelés parce qu'il n'a pas l'habitude de mettre-en-scène des auteurs contemporains des vingt dernières années. Qui est Caryl Churchill ? On a investigué jusqu'à trouver cette pièce.

Comment avez-vous travaillé en répétitions ?
Felipe Botero : Ça a été une pièce qui n'a cessé de nous tourner en bourrique, parce que la pièce utilise une forme non-conventionnelle et qu'elle propose des milliers de lectures. Au début on est tombés dans un des pièges, c'est une pièce qui tend beaucoup de pièges. On a commencé à la monter avec la scène finale, ensuite on a ajouté les interruptions. Puis on s'est rendus compte qu'on devait faire quasi le processus qu'avait suivi Caryl Churchill en l'écrivant - c'était comme un "workshop", comme ils ont l'habitude de travailler en Grande-Bretagne - en voyant les acteurs jouer et en les soumettant à diverses interruptions. Qu'est-ce qui se passe si je t'interromps ici ? Qu'est-ce qui se passe si un oiseau géant entre, où je ne sais quoi d'autre ?
Ensuite on a dû commencer - enfin, on a compris très tard qu'on devait se soumettre à ces changements, à ces interruptions. La pièce s'est donc bien moquée de nous au début. Ça a été difficile mais c'est savoureux maintenant d'en être à la deuxième saison, à la demande du public et de se rendre compte que la pièce ne fini jamais d'être prête, qu'il y a déjà des changements par rapport à la première saison.

Pensez-vous que le comédien ait une responsabilité ?
Felipe B. : Oui, il en a une, je crois. Chacun décide si elle est politique, sociale,... Je pense que le travail que nous faisons est humanitaire, parfois. Oui, parce qu'au bout du compte, les gens s'enferment dans une salle de cinéma en sachant que le film est un film d'horreur. La terreur est un sentiment, une émotion horrible, personne n'a envie de le ressentir ! Et pourtant, on va au cinéma pour se faire peur, on va voir L'exorciste, quelle horreur ! Et il se passe la même chose avec le théâtre : c'est comme offrir au public ce que normalement il se refuse dans la vie, où qu'on ne lui permet pas. On ne rit pas dans la rue, on doit aller dans un lieu pour rire, pour qu'on nous fasse rire. Ce n'est pas la mission, le rire, c'est un effet, c'est une conséquence du travail : le rire, les pleurs, la préoccupation, faire penser... je crois que c'est cela, au final. Si une personne s'en va en se disant : "ouf! que c'est dur, que c'est difficile, merci de m'avoir montré.... ma maison", comme c'est le cas avec cette pièce, le travail est accomplie, avec une seule personne.
Hernando P. : Pareil, je pense qu'il y a un grand engagement, un grand engagement qui est celui de dire la vérité, celui d'être honnête avec son travail. Et je crois que c'est plus politique que sortir des drapeaux. Je crois qu'en étant conséquent avec ses principes d'action on offre une éthique, on offre aux gens de multiples possibilités de se voir, de s'analyser. Et je crois qu'il est l'heure maintenant de vous dire que d'être ici unis, pour nous, c'est très gratifiant et que ce n'est pas le groupe complet, il manque plusieurs membres. Sans leurs efforts à eux tous, aussi, on ne serait pas ici en train de donner une interview.

Pour finir, que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Silence
Hernán C. : La mémoire. Que les gens n'oublient pas d'où ils viennent. La mémoire.
Hernando P. : La rencontre. C'est trop dur en ce moment de rencontrer les gens, et je crois que l'art du théâtre est le seul art "de l'immédiat", qui permet de se rencontrer face à quelqu'un.

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