samedi 14 février 2009

Santiago García, Teatro La Candelaria, Bogotá

Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bien. Je suis le directeur du groupe de la Candelaria, depuis 43 ans. Ce groupe a été fondé en 1966 et c'est toujours moi qui l'ai dirigé. C'est une compagnie stable, avec une moyenne de 15-16 comédiens, et je veille à ce que ce soit fixe, qu'il n'y ait pas sans arrêt des entrées et des sorties. L'autre objectif fondamental, c'est de produire, d'inventer, d'écrire et de représenter nous-mêmes toutes nos pièces. Beaucoup d'entre elles sont de création collective, d'autres sont des propositions individuelles. Je suis directeur de théâtre et comédien, mais ma véritable "fonction" est celle de metteur-en-scène.

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
J'ai commencé par des études d'architecture, je suis sorti avec mon diplôme, et j'ai travaillé comme architecte. Un beau jour, un maître japonais, Seki Sano, est arrivé de Mexico pour donner des cours de théâtre. C'était un disciple de Stanislavski et de Meyerhold. Il a amené avec lui tout ce savoir, cet enseignement magnifique de la formation de l'acteur stanislavskienne. J'ai commencé à suivre ses cours alors que je travaillais comme architecte, et ca m'a beaucoup plu. A tel point que j'ai lâché l'architecture pour me consacrer au théâtre.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du Teatro de la Candelaria ?
Bien. Je suis parti étudier le théâtre en Tchécoslovaquie pendant 3 ans, et à mon retour, j'ai intégré l'Université Nationale pour y diriger un groupe de théâtre. Mais j'ai eu beaucoup de problèmes avec la direction de l'Université, beaucoup de différences, de contre-temps ... donc j'ai décidé, avec un certain nombre de comédiens que j'avais formés au sein de ce groupe (j'y suis resté 3 ans) de partir et de fondé ce que nous avons ici. Cela s'appelait à l'époque la Casa de la Cultura, et par la suite on a changé de nom pour le Teatro de la Candelaria. La Candelaria parce que c'est le nom de ce quartier.

De quoi parlez-vous dans vos pièces, y a t-il un thème de prédilection ?
A nos débuts, on montait des pièces de grands auteurs internationaux, Tchékhov, Shakespeare, mais après 3 ou 4 ans de représentations, on s'est rendus compte que les œuvres qui intéressaient le plus notre public, un public nouveau et jeune, étaient nos pièces, latino-américaines ou colombiennes, celles qui parlaient de problèmes du pays. Et donc à partir de là, on a décidé de monter des pièces de création collective sur les problèmes et les conflits plus spécifiques de Colombie, sans délaisser pour autant les grands enseignements des maîtres de la dramaturgie. Et en effet, avec ces pièces, on a eu beaucoup plus de succès, plus de public, plus de dynamisme, et de cette manière, on a monté 23 pièces durant ces 40 dernières années. 13 d'entre elles sont de création collective, 10 ont été montées à partir de textes écrits par un membre du groupe.

Quelles ont été vos influences ?

Bien, j'ai commencé par travaillé avec Seki Sano la méthode de Stanislavski et de Meyerhold, ensuite lorsque j'ai voyagé en Tchécoslovaquie, puis à Berlin, je me suis mis à m'intéresser à la théorie et à l'œuvre de Brecht. Les premières pièces que j'ai monté ici étaient de Brecht, j'ai monté Homme pour homme et La vie de Galilée. J'ai été grandement influencé par Brecht, mais aussi d'autres grands maîtres de notre théâtre colombien, Enrique Buenaventura, entre autres.

Que pouvez-vous nous raconter de la dramaturgie colombienne ?
On a commencé avec une pièce de notre compatriote colombien Enrique Buenaventura, qui travaillait au sein du TEC (Teatro Experimental de Cali) - Enrique est mort il y a quelques années - C'est l'un des auteurs les plus importants de Colombie. Mais ces derniers temps, beaucoup de dramaturges ont émergé, à Medellín et à Cali, et beaucoup d'entre eux ont leur propre groupe avec leur salle. Ici à Bogotá, on compte 33 salles dont les groupes ont leur propre auteur, leur propre dramaturgie. Il y a des festivals de dramaturgie nationale chaque année et vraiment, comme dans tous les arts, la musique, la peinture, la littérature, ce qui importe c'est l'authenticité et l'invention. On ne peut pas imiter, dans l'art, copier d'autres choses. C'est inadmissible qu'une œuvre d'art soit la copie d'une autre, ni même du même auteur, il doit y avoir un facteur d'invention, d'innovation, d'originalité, et dans ce sens, si nous voulons avoir un art théâtral en Colombie, c'est à nous de le créer.

Pensez-vous que l'artiste de théâtre ait un devoir, une responsabilité ?
C'est le cas dans tous les arts. L'art, à l'intérieur d'une culture ou d'une société, doit avoir un engagement bien spécifique, celui qu'il a depuis l'âge des cavernes, depuis le commencement de la création artistique, il doit avoir un rôle de transformation, d'innovation, au sein de la société. Lorsqu'il perd cette fonction-là, il se meurt. Comme en Égypte. En Égypte, il y avait un art très novateur, profondément vital, et tout à coup il s'est mis à tourner en rond, à perdre sa capacité de transformation. Il y a eu un laps de temps prolongé, des siècles où rien ne s'est passé. C'est dans ce sens que l'engagement fondamental de l'artiste est avec la société. Que l'œuvre puisse garder ce caractère transformateur et revitalisant, sur la mentalité culturelle de n'importe quel endroit. S'il perd cette caractéristique, il perd de la valeur. Il y a eu une époque où l'art de notre pays venait d'avantage de l'extérieur, d'Europe, de France, des États-Unis, d'Angleterre. Bien qu'il ait été de qualité, ce n'était pas quelque chose qui nous était propre, il a donc disparu.

Que pensez-vous que l'art puisse apporter aux gens ?
Je pense que tout art contribue à ce que le public transforme sa manière de penser. Je parle de transformation à tous les niveaux de la société, même économique. Celle de la vision que les gens ont de leur réalité, réalité intime, privée. L'engagement de l'artiste est d'influencer les gens que cette évolution ait lieu. Depuis toujours, dans l'histoire de l'humanité, les artistes et l'art en général ont compté dans la transformation des mentalités, des comportements, des relations sociales, au sein de toutes les sociétés.

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