mercredi 18 février 2009

Victor Viviescas, dramaturge, Bogotá

Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter en quelques phrases ?
Je suis dramaturge et metteur-en-scène. Je donne des cours au sein de l'Université Nationale de Bogotá et j'ai aussi dirigé un projet théâtral qui s'appelle le Teatro breve. Voilà (en français dans le texte, ndlr).

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
J'ai d'abord commencé comme acteur il y a un certain temps , puis je me suis tourné peu à peu vers la mise-en-scène. Cela m'a alors paru important d'écrire, de faire une théâtre qui soit plus en rapport avec nous, les Colombiens et plus largement les latino-américains, plus ancré dans notre temps, dans nos problématiques, nos intérêts, nos désirs.

Y a-t-il un thème récurent dans vos œuvres ?
Non. J'ai une vision globale de l'histoire de ce pays, la Colombie, et je constate la présence de la violence, des problèmes d'inégalité très importants, et ce qui m'intéresse, c'est que mes écrits puissent refléter tout cela. Ces éléments reviennent d'ailleurs de manière thématique, à travers la solitude, l'amour et la mort.

Toutes vos œuvres ont-elles été mises-en-scène ?
La majeur partie, oui. Mais il y en a certaines qui sont encore inédites. En Colombie, la tradition veut que la plupart des auteurs soient aussi metteur-en-scène de leur pièces, c'est très commun. C'est d'ailleurs mon cas : j'ai dirigé la plupart de mes œuvres. C'est seulement au cours de ces 10 dernières années qu'il a commencé à y avoir certaines d'entre elles montées par d'autres metteurs-en-scène. Mais ce n'est pas habituel. Il reste seulement quelques pièces qui n'ont pas été montées.

Et elles ont été mises-en-scène en Colombie uniquement ?
Oui. Presque toujours en Colombie. Mais par exemple en 2004-2005, j'ai été au Mexique et j'ai monté une de mes pièces avec un groupe mexicain. En 2007, le Teatro San Martin de Caracas a également monté une de mes pièces, et l'an dernier j'en ai mise une autre en scène à Paris, avec des acteurs colombiens.

Que pouvez-vous nous dire de la dramaturgie colombienne ?
C'est une dramaturgie assez importante, avec un travail d'investigation permanent. Elle va davantage dans le sens d'une réflexion quant aux problématiques que nous vivons. Celles de Colombie, mais en relation avec le reste du monde. Ce n'est pas une dramaturgie qui se ferme à l'étranger, ni aux problèmes colombiens. Elle les observe et tente de rester ouverte aux problématiques de la société d'aujourd'hui. Et à partir de la fin des années '50 jusqu'à la fin des années '70, il y a un travail de création collective très important. Avec l'émergence de groupes, composés d'acteurs, de metteurs-en-scène et de dramaturge, qui ont monté leurs propres pièces, de manière "collective". A partir de la fin des années '80 et tout au long des années '90, il y a eu de plus en plus de dramaturges qui se sont mis à écrire avant, pendant, ou après la création du spectacle. Comme une sorte de responsabilité individuelle pour rendre compte de l'écriture et de la poétique propre à l'art théâtral. Cela permet une grande diversité, et une richesse dans le sens ou chaque dramaturge, chaque groupe, au sein d'une préoccupation globale, se distingue par leur manière d'écrire.

Quelles sont vos influences ?
On ne peut pas vraiment parler d'influences. C'est un terme que je n'utilise pas souvent. Il faut savoir qu'à l'école, il y a un apprentissage théâtral qui puise dans un répertoire "universel" - on dit "universel", mais en réalité il est européen -. J'ai moi-même travaillé comme professeur, et j'exerce maintenant ici, dans cette Université Nationale dans le département de littérature. Et dans le domaine universitaire, il y a une formation théâtrale très similaire à celle qu'on peut trouver à Paris, avec les grands classiques grecs, les tragédies anciennes, le théâtre classique français, mais aussi tout le XIXème siècle : Tchékhov, Ibsen, Strindberg, et le XXème : Brecht, Beckett, Genet et Ionesco. On peut dire que nous avons une connaissance globale de la dramaturgie que l'on appelle universelle, mais qui est en réalité européenne. Et dans ce panorama, certains auteurs marquent plus que d'autres évidemment. Ceux qui m'ont interpellé sont Jean Genet, Beckett et Pinter. Et dans un contexte plus colombien, il y a Enrique Buenaventura, dramaturge très important décédé il y a 4 ou 5 ans, Santiago García, qui continue toujours à mettre en scène et à écrire avec son groupe du Teatro de la Candelaria. Son travail est très honnête, vital, conscient. Voilà plus ou moins les auteurs qui m'ont marqué.

Pensez-vous que l'artiste de théâtre ait une responsabilité, un devoir ?
En tant que créateur théâtral, en tant qu'écrivain, acteur et metteur-en-scène, je pense que le théâtre permet une activité esthétique qui vient d'un engagement éthique avec la réalité. C'est ma manière de voir les choses. Une responsabilité morale, un fondement éthique. Il y a toujours des problèmes qui nous renvoient à l'humanité, aux hommes et aux femmes qui constituent la société d'aujourd'hui.

Que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Je pense que c'est un espace pour réfléchir sur ce qui nous arrive. Le théâtre invite le spectateur à réfléchir sur certains aspects du monde qui l'entoure. Mais c'est aussi pour moi un moment de détente. Ce qui me plaît le plus, à moi, dans le théâtre, c'est avoir la place du spectateur. Je connais beaucoup d'artistes qui avouent ne pas supporter les pièces des autres parce que cela les contamine, ou n'est pas à la hauteur de leurs attentes. Moi, au contraire, j'adore me retrouver dans le public, cela m'émeut. Le théâtre est comme une petite boîte à malices. Je regarde le jeu de lumières, les corps, les costumes, le maquillage, la composition des personnages ... c'est un plaisir pour les yeux, voilà ce que c'est. Dans ce sens, le théâtre est une invitation ludique. Qui nous permet aussi d'observer la réalité d'un angle différent.

Aucun commentaire: