mercredi 4 février 2009

Marian Morillo, la Espada de Madera, Quito

Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Marian, j'ai 19 ans, je fais du théâtre depuis que j'ai 15 ans, je suis arrivée ici il y a à peu près 4 ans, c'est ma cinquième année au sein du groupe, à la Espada de Madera, et ... voilà ! Je fais du théâtre et des marionnettes.

Comment vous est venue l'envie de faire du théâtre ?
C'est bizarre en fait, parce qu'un jour je me suis réveillée en me disant :"Bon, j'ai besoin de quelque chose de différent, je veux faire du théâtre." Je n'y avais jamais pensé avant, même pas en rêve, c'est plus arrivé comme une nécessité. De faire quelque chose de différent, quelque chose de spécial. Alors j'ai commencé à chercher, chercher, chercher, jusqu'à ce que j'atterrisse ici, a la Espada de Madera. J'ai terminé le lycée il y a un an et demi, en fait.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de la Espada de Madera ?
Oui. La Espada est née avec Patricio Estrella, qui est le directeur, et Pépé, un des membres du groupe. Ils sont en quelques sortes, les deux pilotes de la compagnie. Ils sont allés étudier en France, avec le maître Antonio Díaz-Florián, qui dirigeait l'Epée de bois là-bas. Ils y ont monté une pièce, El Dictador, et Antonio leur a donné son accord pour monter l'équivalent de l'Epée de bois, ici, à Quito. Le groupe va avoir 20 ans cette année. Il y a 20 ans, donc, ils sont revenus en Équateur pour voir des ateliers et débusquer des jeunes artistes, déjà engagés dans leur travail. Ces jeunes ont tout laissé derrière eux pour se consacrer au groupe : la famille, l'université, les amis. Et à partir de là, la Espada a commencé à monter des spectacles. On compte aujourd'hui près de 16 pièces à notre répertoire.

Et vous faites seulement des marionnettes ?
Non, le groupe travaille avec des marionnettes, mais aussi seulement avec les comédiens. On a beaucoup de pièces sans aucune marionnette. On fait aussi du théâtre d'objet, c'est à dire que si tu mets quelque chose sur scène, une chaise par exemple, elle doit être considérée comme un acteur en plus sur le plateau. On doit s'en servir pour transformer l'histoire, pour mettre en place une situation, créer un espace, etc ...

Et c'est vous qui faites tout, les marionnettes, etc ... ?
Tout. Absolument tout. Les costumes, les décors, les marionnettes ... tout. Le directeur, Patricio, écrit, dirige, met-en-scène. Il propose un thème, nous dit :"Voilà ce que je veux" et on commence à improviser à partir de ça. Le travail progresse comme ça, la pièce se met peu à peu en place. On met environ un an à préparer une pièce, à la sortir, à tout construire, à tout élaborer. On a un atelier dans lequel on fait tout. Charpenterie, électricité, lumières, costumes ...

Vous réussissez à en vivre ?
Oui. Si tu travailles bien, si ton travail est de qualité, tu peux vivre du théâtre. Etsurtout au sein de la Espada, qui est un groupe qui se consacre à 100% au théâtre. Comme beaucoup de groupes ici. Ils ne font rien d'autre que du théâtre, 24h/24. Cela implique d'être en recherche constante de propositions, de salles, etc... on peut donc en vivre, si on le fait bien et dignement.

Et le public vient nombreux voir vos spectacles ?
Oui, ça marche bien. Ici, on a une salle à disposition, mais beaucoup de nos pièces n'entrent pas dedans. Donc il faut trouver d'autres endroits.

Pensez-vous que l'artiste de théâtre ait un devoir, une responsabilité ?
Je crois que oui, c'est pour ça qu'on fait ça. D'ailleurs encore plus que de faire quelque chose, le théâtre nous aide, l'art en général, quoique ce soit, peinture, musique ... cela peut aider à humaniser l'individu. La société est en perpétuel combat, elle brasse tellement de choses ... alors si tout à coup quelqu'un s'arrête, l'espace d'un instant, et touche autrui de manière infime, il peut se passer quelque chose, il peut humaniser cette personne. Notre mission c'est d'arriver à toucher cette part en chacun de nous parfois presque inaccessible, vierge de tout enseignement scolaire ou autre, de réveiller la sensibilité de gens, de les confronter à eux-même, de leur présenter un possible reflet de ce qu'ils sont dans ce que nous faisons. L'une des choses les plus chouette, lorsque tu vas voir un spectacle de marionnettes, c'est de te reconnaître dans les pantins, et rire de ta condition humaine. C'est d'ailleurs comme ça qu'on travaille avec ces marionnettes, comme des clowns, que l'on rend plus comique, plus absurde ... et permettre à chacun d'en rire. Et l'espace d'un instant, se laisser aller, oublier qu'on est venu au théâtre, oublier son portable, oublier le monde alentour, se déconnecter. Tout en prenant conscience de certaines choses, de soi, du monde dans lequel on vit.

Pour finir, que pensez-vous que le théâtre puisse apporter aux gens ?
Il me semble que les gens sont terriblement stressés. Alors s'ils viennent un moment et arrivent à rire, c'est déjà ca. De même pour les enfants. Mais encore plus pour les adultes. Les gens croient que les marionnettes sont faites pour les enfants, mais en réalité elles ont été créées pour les adultes. Mais au final nos spectacles sont tout public. Et les adultes rient beaucoup plus que les enfants. S'ils peuvent se libérer de leur stress pendant une petite heure, c'est déjà très bien !

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